ASTHME AIGU GRAVE
A. DŠFINITION
L'asthme aigu grave peut Ítre dÈfini de la faÁon suivante :
Crise inhabituelle dans son intensitÈ, rÈsistante au traitement usuel et mettant
en jeu le pronostic vital du patient. Actuellement, il est possible de les subdiviser
en 2 entitÈs :
- Crise d'aggravation progressive (parfois sur plusieurs jours), ne rÈpondant
pas ou insuffisamment au traitement classique, d'o˜ la notion importante de
syndrome de menace.
- Le bronchospasme suraigu pouvant entraÓner le dÈcËs du patient en quelques
heures voire en quelques minutes.
Ces notions dÈmontrent l'importance de la prise en charge mÈdicale de ces patients
que ce soit en prÈ hospitalier, dans les services d'urgences, dans les services
de pneumologie ou de rÈanimation.
B. ŠPIDEMIOLOGIE
L'asthme est une pathologie frÈquente dans les pays industrialisÈs, touchant
1 ý 4 % de la population. Elle entraÓne environ 2000 dÈcËs chaque annÈe dans
notre pays avec une inquiÈtante augmentation chez les 5-35 ans. L'asthme tue
autant ý l'hÙpital qu'au domicile et le plus souvent au cours des premiËres
heures de crise (25% en moins de 2 H, 40% en moins de 8 H).
De plus certaines Ètudes ont dÈmontrÈ l'irresponsabilitÈ des patients : 40%
des patients, dÈcÈdÈs d'une crise d'asthme, n'ont pas consultÈ dans les 48 H
prÈcÈdentes. De plus, les traitements instaurÈs pour cette pÈriode critique
sont encore souvent insuffisants voire dangereux :
- absence de corticoÔdes
- absence de BÈta-2-mimÈtiques
- Prescription de sÈdatifs.
Il est donc fondamental de considÈrer tout " asthme " appelant un service de
secours (SAMU, Sapeurs-Pompiers, SOS MÈdecins, UMPÖ) comme grave et Ítre mÈdicalisÈ
de faÁon optimum.
C. PHYSIOPATHOLOGIE
1- La triade
Le mÈcanisme de la crise d'asthme associe 3 phÈnomËnes physiopathologiques
au niveau bronchique, sur lesquels devra agir le traitement :
- Spasme bronchique : secondaire ý une contraction des muscles lisses des
parois bronchiques;
- údËme de la paroi;
- HypersÈcrÈtion bronchique : sÈcrÈtion d'un mucus Èpais pouvant entraÓner
une obstruction bronchiolaire.
L'association de ces 3 phÈnomËnes est ý l'origine d'une importante diminution
de la lumiËre bronchique.
2- ConsÈquences ventilatoires
La lutte de l'organisme contre la diminution du diamËtre bronchique passe par
la crÈation de pressions pleurales fortement nÈgatives entraÓnant les faits
suivants :
- Traction sur la paroi bronchique externe.
- Distension thoracique considÈrable entraÓnant une augmentation de la capacitÈ
pulmonaire totale.
- Diminution de la capacitÈ vitale paradoxale et augmentation du volume rÈsiduel
secondaire ý l'obstruction bronchique.
3- ConsÈquences hÈmodynamiques
a- En ce qui concerne le ventricule droit
- Augmentation de la post-charge secondaire ý la pression nÈgative exercÈe
sur sa paroi externe et ý l'augmentation de la rÈsistance interne des capillaires
pulmonaires.
- Augmentation de la prÈcharge, le retour veineux Ètant facilitÈ par les
pressions pleurales nÈgatives. o Au total : le ventricule droit se remplit
sans pouvoir se vider d'o˜ l'apparition de pression ÈlevÈe du VD, et d'un
septum paradoxal (bombement du septum dans le ventricule gauche).
b- En ce qui concerne le ventricule gauche
- Diminution de la prÈcharge par diminution du retour sanguin des veines pulmonaires
et du volume diastolique du ventricule gauche secondaire au septum paradoxal.
- Augmentation de la post-charge secondaire ý l'existence d'un gradient de
pression entre la pression nÈgative exercÈe autour du VG et ý celle de l'aorte
extra thoracique.
- Ces phÈnomËnes se trouvent majorÈs au temps inspiratoire, expliquant les
variations de pressions artÈrielles entre le temps inspiratoire et expiratoire
: Pouls paradoxal.
D. DIAGNOSTIC
1- Facteurs de risque
- Son anciennetÈ.
- Son instabilitÈ.
- ATCD de crise ayant nÈcessitÈ une hospitalisation dans un service de rÈanimation
et une ventilation mÈcanique.
- hospitalisation rÈcente pour une crise grave
- Non-observance du traitement.
- Prise de mÈdicaments sÈdatifs ou dÈpresseurs respiratoires.
2- Syndrome de menace de l'AAG
Cela correspond ý une pÈriode prÈcÈdant la crise, allant de quelques jours
ý quelques semaines. Elle associe les faits suivants :
- Augmentation du nombre de crises
- Augmentation de leurs sÈvÈritÈs et de leurs brutalitÈs
- Diminution de la sensibilitÈ au traitement mÈdical classique
- RÈduction progressive du DEP (dÈbit expiratoire de pointe) entre chaque
crise
- Aggravation de l'Ètat de base.
La reconnaissance de ce syndrome de menace doit entraÓner un renforcement du
traitement et une surveillance Ètroite, limitant ainsi la survenue d'un AAG.
3- Signes cliniques
Mode de dÈbut :
- Le plus souvent nocturne, 2Ëme partie de la nuit.
- PrÈcÈdÈe par une toux spasmodique.
- RhinorrhÈe initiale.
! Asthme suraigu : État gravissime
par bronchospasme majeur touchant essentiellement le sujet jeune.
Signes fonctionnels :
- DifficultÈ ý parler, ý tousser.
- Distension et rÈduction de la mobilitÈ thoracique.
- PolypnÈe sifflante avec freinage expiratoire. . Respiration abdominale associÈe
ý une mise en úuvre des muscles respiratoires accessoires (tirages sus sternal
et intercostal).
- Cyanose, sueur.
- Diminution du dÈbit expiratoire de pointe.
- Agitation, trouble de la conscience.
Signes cliniques
- pulmonaires : sibilants bilatÈraux diffus, parfois abolition du murmures
vÈsiculaires.
- cardio-vasculaire : Tachycardie, HTA, pouls paradoxal, cúur pulmonaire
aigu : turgescence des jugulaires, reflux hÈpato-jugulaire, hÈpatomÈgalie
douloureuse, signe de Harzer.
4- Examens complÈmentaires
- D.E.P. : infÈrieur ý 150 l/mn (mesure par Peak flow).
- G.D.S. : hypoxÈmie sÈvËre, hypercapnie, acidose respiratoire puis mixte
(taux de lactate).
- E.C.G.: aspect de cúur pulmonaire aigu, S1Q3, hypertrophie auriculaire
et ventriculaire droite, BBDt .
La prise en charge de l'asthme aigu grave ne nÈcessite aucun autre examen complÈmentaire
en urgence.
5- Signes de gravitÈs
Signes de gravitÈs immÈdiats (confÈrence de consensus 1988) :
- Crise :
- inhabituelle.
- rapidement progressive
- Signes cliniques :
- difficultÈ ý tousser, ý parler
- orthopnÈe, dyspnÈe ++
- agitation
- cyanose, sueur
- SCM contractÈs en permanence
- FR> 30/mn - FC > 120/mn
- Pouls paradoxal > 20 mmHg
- DEP < 150 l/mn
- PaCo¾ = normo ou hypercapnie
- rÈponse au traitement < 60 l/mn
Signes de dÈtresse :
- trouble de la conscience
- pauses respiratoires
- impossibilitÈ de parler
- silence auscultatoire
- collapsus
6- Diagnostics diffÈrentiels
- Asthme cardiaque = trËs souvent associÈ ý des r’les crÈpitants dans les
deux bases pulmonaires. = ! aux antÈcÈdents du patient ; il est peu probable
qu'un patient ’gÈ , suivi pour une insuffisance cardiaque gauche, fasse un
asthme aigu grave.
- Pneumothorax = auscultation et examen clinique diffÈrent ; A noter l'absence
de dyspnÈe expiratoire sifflante !
- StÈnose trachÈale = " sibilants " et dyspnÈe aux 2 temps prÈdominant en
mÈdiothoracique.
E. THŠRAPEUTIQUE
1- BÈta-2-mimÈtiques :
PropriÈtÈs :
- action broncho-dilatatrice
Indication :
Modes d'administration et posologie :
NÈbulisation
- Terbutaline : 5 ý 10 mg (complÈter ý 5 ml par du sÈrum physiologique
0.9 %) sous 6 ý 8 l/mn d'oxygËne. DurÈe = 15mn ; ý rÈpÈter en fonction de
la rÈponse.
- Salbutamol : 5 mg (soit 1 ml) selon le mÍme protocole. Attention
! le salbutamol prÈvu pour une utilisation IV ne peut Ítre utilisÈe pour la
nÈbulisation : Risque de bronchospasme majeur (sulfites).
Voie sous-cutanÈe
- Terbutaline ou salbutamol : 0.5 mg en s/c.
Voie intraveineuse
- Salbutamol : dÈbuter ý 0.2 µg/kg/mn en IVSE. Dose ý doubler toutes
les 10 ý 15 mn en fonction de la rÈponse et de la tolÈrance.
Surveillance :
- essentiellement pour la forme IV
- risque : hypokaliÈmie, hyperglycÈmie, trouble du rythme, cÈphalÈe, tremblements.
- Monitoring cardio-respiratoire nÈcessaire.
2 - AdrÈnaline
PropriÈtÈs :
- broncho-dilatatrice par son action BÈta 2 -, effet vasopresseur par son
effet Alpha
Indication :
- Asthme aigu grave avec collapsus et, pour certains auteurs, asthme rÈsistant
au salbutamol.
Mode d'administration et posologie :
- NÈbulisation
- Aucune supÈrioritÈ de l'adrÈnaline n'a pu Ítre dÈmontrÈe sur les autres
bÈta-2-mimÈtiques. Dose : 1 ý 5 mg (en fonction des auteurs) selon le
mÍme protocole que le salbutamol.
- Voie veineuse
- DÈbuter ý 0.1 µg/kg/mn en IVSE augmentation des doses en fonction
de la rÈponse et de la tolÈrance clinique.
Surveillance :
- Monitoring cardio-respiratoire : risque de trouble de rythme
- Voie veineuse : Risque de nÈcrose cutanÈe si diffusion en sous-cutanÈe.
3 - CorticoÔdes
PropriÈtÈs :
- Action anti-inflammatoire
- Potentialise l'action des bÈta-2-mimÈtiques en augmentant le nombre de rÈcepteurs
BÈta 2.
Indication :
Tout asthme dËs le dÈbut de la prise en charge ! (dÈlai d'action 6 heures)
Mode d'administration et posologie :
- Hemisuccinate d'hydrocortisone : dose 4 ý 6 mg/kg/4 h en IV lent de 10 min
- MÈthylprÈdnisolone : 1mg/kg/6 h en IV lent de 10 min.
Surveillance
- hypokaliÈmie
- hyperglycÈmie.
4 - OxygÈnothÈrapie
- Apport important nÈcessaire car :
- Augmentation du travail musculaire
- Vasodilatation des zones pulmonaires mal ventilÈes en dÈbut de traitement.
- HypoxÈmie de la crise d'asthme.
- Apport non limitÈ : l'hypercapnie est tolÈrÈe et disparaÓtra dËs
l'amÈlioration de l'Ètat respiratoire : hypercapnie permissive
- Administration : toujours par masque ý haute concentration, DÈbit
O¾ : 10 ý 15 l/mn ; ou par masque de nÈbulisation, DÈbit 6 ý 8 l/mn
5- Anticholinergique
PropriÈtÈs :
- prolongerait l'action broncho-dilatatrice des bÈta-2-mimÈtiques.
- action et intÈrÍt non prouvÈs actuellement ;plusieurs Ètudes contradictoires
mais reste recommandÈ.
Mode d'administration et posologie :
- Ipratropium : 0.5 mg en nÈbulisation associÈ au salbutamol.
6- Autres thÈrapeutiques
Hélium
- Étude portant essentiellement sur des patients bÈnÈficiant d'une
ventilation mÈcanique ou dans le cadre de la mÈdecine prÈhospitaliËre sans
relais dans les services d'urgences et de rÈanimation.
- Aucune action broncho-dilatatrice mais diminution des pressions de ventilation,
amÈlioration de l'homogÈnÈitÈ ventilation / perfusion, amÈlioration de la
diffusion des mÈdicaments nÈbulisÈs (L'hÈlium diminue la viscositÈ du mÈlange
gazeux).
sulfate de magnÈsium
- Action broncho-dilatatrice par action anticalcique
- Quelques Ètudes publiÈes montreraient une certaine efficacitÈ que ce soit
dans sa forme IV ou en nÈbulisation. Mais compte tenu de discordance dans
les rÈsultats de ces Ètudes, une utilisation en premiËre intention ne peut
Ítre prÈconisÈe avant la publication d'Ètude portant sur un plus grand nombre
de patients.
Bases xanthiques
- Son chef de file est l'aminophylline.
- Actuellement abandonnÈes dans le cadre de l'urgence, leurs effets broncho-dilatateurs
sont bien infÈrieurs ý ceux des bÈta-2-mimÈtiques. Effets secondaires majeurs
en cas de surdosage.
- Elles peuvent garder un intÈrÍt en rÈanimation pour les asthmes difficilement
sevrables des bÈta-2 IV ou chez les patients dÈjý traitÈs par aminophylline
- ! Attention ! surveillance rÈguliËre
et rapprochÈe du taux sanguin circulant indispensable.
Hydratation
- Indispensable ý la prise en charge de tout asthme car :
- hÈmoconcentration des AAG
- permet la fluidification des sÈcrÈtions bronchiques
- indispensable dans la prise en charge des collapsus du cúur pulmonaire
aigu : remplissage actif+++.
Ventilation mÈcanique
- Utilisation en dernier recours compte tenu de la mortalitÈ importante lors
de l'intubation, de la reventilation et des problËmes itinÈrants ý toute ventilation
mÈcanique (en particulier infectieux).
- nÈcessitÈ d'effectuer un remplissage vasculaire avant l'intubation
- l'utilisation d'une crash induction ý la cÈlocurine* est trËs controversÈe
pour cette situation car allergisant ++, ne lËve pas le bronchospasme mais
permet une bonne ouverture de la glotte ;
- risque majeur de barotraumatisme d'o˜ la nÈcessitÈ de ventiler avec de petit
volume et une frÈquence basse, un rapport I/E le plus bas possible en allongeant
le temps expiratoire et limiter les pressions ventilatoires ( permettant de
diminuer les risques de barotraumatisme).
- ! un patient ventilÈ n'est pas ý l'abri d'un bronchospasme
majeur.
- La nÈbulisation, ý partir des appareils de ventilation est trËs discutÈ.
Il est difficile d'estimer quelle sera la quantitÈ de produit actif sur la
" tuyauterie " et capturÈe par les filtres humidificateurs.
- l'extubation s'effectuera avant le sevrage dÈfinitif des BÈta-2-mimÈtiques
(+/-).
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